Grande philosophe, philologue et helléniste, Madame Cassin est venue exposer l’importance que tiennent chacune des 24 langues dans le projet européen. Notre invitée a insisté sur le fait que chacune de ces langues porte une réalité culturelle, une histoire, un sens singulier des choses du monde et que de facto aucune langue commune ne saurait transcrire la pluralité des pensées. La langue ne doit pas être vue comme un simple moyen de communication mais qu’en réalité chacune d’elle porte une richesse infinie qui révèle notre humanité et notre capacité à saisir et dire le monde. La différence s’exprime par les langues et Madame Cassin nous invite par des exemples concrets à la mesurer en précisant que les institutions européennes, dans leurs travaux et leurs écrits, s’emploient à être fidèles à cette réalité pour respecter chaque peuple dans son unicité.

Madame Cassin revient aussi auprès des élèves sur la nécessité de parler plusieurs langues pour se rapprocher et comprendre les autres, pour saisir leurs différences et leurs ressemblances en pointant la joie de la traduction. Madame Cassin rappelle néanmoins l’exigence et la complexité de cet exercice qui doit être accueillie avec enthousiasme. Elle présente son travail de 15 ans à rédiger un dictionnaire des intraduisibles. En interrogeant les langues, c’est accepter de trouver le sens des mots, des idées, des pensées, des représentations, des perceptions et d’aller ainsi in fine simplement vers la compréhension des autres.

Le sens doit-être analysé et compris avec humilité, avec densité, dans son épaisseur féconde et qu’il est consubstantiel à la richesse de toutes les langues.

En questionnant l’assistance sur les racines grecques des mots, elle fait la démonstration de la rigueur qu’oblige les règles émancipatrices de la syntaxe. Elle revient aussi sur l’ouverture récente de la Cité Internationale de la Langue Française de Villers- Cotterêts et appelle le public à découvrir comment le Roi François 1°, par l’ordonnance de 1539, a inauguré la question centrale de la langue pour consolider le Royaume de France. Barbara Cassin explique ici que la langue est politique. Que ce travail engagé au XVI° siècle continue à grandir et notamment à l’échelle européenne en précisant qu’une langue est toujours une langue « entre autres », « qu’il n’y a pas de langue isolée, sans le concert des autres langues ».